Impact de la voie et série du baccalauréat sur la poursuite postbac

Impact de la voie et série du baccalauréat sur la poursuite postbac

Il convient de le rappeler que, contrairement à ce que l’on pense, le critère de sélection le plus impactant dans la grande majorité des formations sur Parcoursup n’est pas le niveau académique mais le profil scolaire du candidat. Le fait de choisir une voie de baccalauréat ou une série, plutôt qu’une autre ouvre de facto des portes (par droit ou quota) ou en ferme et cela indépendamment des notes obtenues et de la motivation. Ce critère de profil s’apprécie le plus souvent par ordre d’importance décroissant selon :

  1. La voie du baccalauréat choisie par le candidat : Générale, Technologique ou Professionnelle.
  2. Les enseignements de spécialité choisis pour les bacs généraux, la série pour les bacheliers technologiques (STI2D, STMG, STL, etc.), le domaine métier pour les bacheliers professionnels (Génie civil, Mécanique, etc.).
  3. Les éventuelles options choisies pour les bacheliers généraux (Mathématiques experts, Droits et grands enjeux du monde contemporain, etc.), les spécialités pour les bacheliers technologiques (STMG-Mercatique, STI2D-Systèmes d’information et numérique, etc.) et professionnels (Réparation des carrosseries, Optique lunetterie, etc.).

Première analyse sur les intégrations par voie de baccalauréat

Voici dans la figure ci-dessous les proportions d’admission via Parcoursup des trois voies du baccalauréat. Les différences sont claires : les bacheliers généraux intègrent à plus de 75% les filières à vocation longue (Licences, LAS, PASS, CPGE, IEP, écoles). Même si les licences/LAS/PASS dominent avec 58% des flux, environ 20% intègrent les filières dites d’« excellence » (CPGE, écoles d’ingénieurs et de commerce, IEP). Un bon élève dans le premier quart de sa classe ne devrait avoir aucune difficulté à intégrer une CPGE ou une école. La voie générale ouvre quasiment toutes les portes et constitue la voie la plus sûre pour intégrer les filières longues et d’excellence.

Les bacheliers technologiques se concentrent à plus de 70% sur les filières courtes professionnalisantes (BUT, BTS et Diplôme d’État en particulier les IFSI). Corolaire, ils sont malgré tout presque 30% à se lancer dans les études longues (pour plus de la moitié surtout en Licence mais avec des taux de réussite faibles). Ils sont environ 5% dans les filières d’excellence (CPGE, écoles, IEP). La voie technologique adresse donc principalement les études courtes mais laisse la porte ouverte pour les premiers de classe dans les CPGE et écoles. Le graphique ci-dessous montre cependant une grande diversité des admissions selon les séries.

Les trois quarts des STI2D investissent massivement les BUT et BTS du secteur de la production. Ce sont également les plus nombreux (5,9%) à intégrer les CPGE (via les prépas TSI) et les écoles d’ingénieurs (4,2%) avec pour 80% de ces derniers l’admission dans des voies de programme grande école (label CTI, bac+5) qui leurs sont réservées dans certains regroupement d’écoles (INSA, GEIPI-Polytech, Avenir, ECAM, etc.).

Les deux tiers des STMG se retrouvent dans les BUT et BTS du secteur des services et seulement 2,3% en CPGE (prépas commerciales ECT qui leur sont réservées) et 2,6% en écoles de commerce (attention 65% d’entre eux dans des bachelors bac+3, 13% en BBA bac+4 et seulement 22% dans les programmes grandes écoles à bac+5).

Les ST2S sont, eux, 48% à intégrer les Diplôme d’État du sanitaire et du social et en particulier les IFSI dans lesquels ils constituent environ un gros tiers des admis.

Les S2TMD intègrent à presque 92% les licences du secteur de l’art parfois en double diplôme de DE de professeur de danse ou de musique, selon la mention.

Les ST2A vont très majoritairement en DN MADE dont ils constituent plus de 40% des admis.

Les STHR et les STAV intègrent respectivement à plus de 82% et 75% les BTS de leur secteur (hôtellerie et Agro-bio).

Les bacheliers professionnels sont quasiment mono-filières : plus de 72% intègrent un BTS. Moins de 13% se lancent dans les filières longues essentiellement en licence (11,6%, mais avec des taux de réussite très faibles de moins de 8% !). Ils sont quasiment absents des BUT sauf avec un excellent dossier et plus encore des CPGE (3 prépas ECT seulement accueillent 70 élèves et deux prépas TSI accueillent 60 élèves et c’est tout !). Les écoles d’ingénieurs n’accueillent aucun élève titulaire du baccalauréat professionnel dans leur programme grande école et les écoles de commerces seulement une dizaine en programme grande école. En caricaturant à peine, la voie professionnelle destine donc soit au marché du travail directement après le baccalauréat (la moitié de ces bacheliers font ce choix) soit à une poursuite courte professionnalisante essentiellement en BTS.

Bien sûr, il convient de ne pas oublier que d’autres facteurs influencent le choix des bacheliers et donc biaise cette analyse. A profil égal, toutes les études montrent que le contexte social influe très significativement sur les ambitions d’orientation. Or, il y a bien plus de boursiers chez les bacheliers technologiques et surtout professionnels que chez les bacheliers généraux. Les premiers et seconds vont donc avoir tendance à se brider dans leurs vœux Parcoursup tout particulièrement dans les filières longues (Licences, CPGE, écoles) et coûteuses (écoles d’ingénieurs et de commerce privées). Dans quelle mesure les résultats observés ici sont le fruit de cette auto-censure ou bien le résultat d’une réelle différence de traitement dans les algorithmes de sélection ? Il est donc intéressant d’examiner le devenir et le traitement selon le profil de « ceux qui osent » les filières réellement sélectives, longues et parfois coûteuses.

Impact de la voie de baccalauréat sur la sélection

Globalement tous les chiffres que nous tirons de Parcoursup confirment que la voie générale offre devant la voie technologique, elle-même devant la voie professionnelle, les meilleures perspectives sur Parcoursup. Comme le montre le graphique ci-dessous en 2023 presque 93% des bacheliers généraux à tenter l’aventure Parcoursup contre 83,5% des bacheliers technologiques. Mais ils sont moins de la moitié (44,4%) chez les bacheliers professionnels. Ces derniers semblent intérioriser ce faisant la difficulté pour eux d’aborder les études supérieures en dehors de quelques filières bien identifiées dans lesquelles ils sont bien accueillis et dans lesquelles ils réussissent plutôt bien (comme les BTS).

Les bacheliers généraux sont également plus nombreux à obtenir au moins une proposition d’admission sur Parcoursup (presque 98%), contre 93,3% des bacheliers technologiques et seulement 87,8% des bacheliers professionnels. Au final, si presque 89% des candidats généraux intègrent une formation via Parcoursup, ils ne sont que 77,1% des bacheliers technologiques à faire ce choix et surtout 65,2% des bacheliers professionnels. Moins de 1% des généraux n’obtiennent aucune proposition, contre 4,2% des bacheliers technologiques et 7,8% des bacheliers professionnels.

Si l’on regarde dans le détail les néo bacheliers généraux sont présents dans les admis de 92% des 568 filières (MPSI, IEP, etc.) recrutant sur Parcoursup et 86% des 13 869 formations de la plate-forme (hors apprentissage). Ce nombre descend à 75% et 74% pour les bacheliers technologiques et à 65% et 61% pour les bacheliers professionnels.

Plus encore, de nombreuses formations qui, en théorie, peuvent accueillir tous les bacheliers (même peu sélectives avec des taux d’accès généreux), accordent souvent un malus aux bacheliers technologiques et plus encore aux bacheliers professionnels qui se retrouvent alors souvent en fin de classement d’appel. Cela explique pourquoi les bacheliers professionnels tardent, plus que les autres, à avoir des réponses des licences même peu sélectives voire ne sont jamais appelés : il faut en moyenne 2,1 jours après l’ouverture de la phase d’appel pour un bac général pour obtenir une première proposition d’admission, contre 5,1 jours pour un bachelier technologique et 5,7 pour un bachelier professionnel.

Dès qu’une formation peut (doit) accueillir les trois publics mais se retrouve par la loi de l’offre et de la demande à ne pas pouvoir accueillir tout le monde (taux d’accès < 100%) on voit dans les données Parcoursup le résultat évident d’algorithmes de classement qui, certes classent parfois tout le monde, mais qui discriminent négativement les bacheliers technologiques et plus encore professionnels au détriment des généraux. L’exemple de la Licence de Droit est révélateur : dans les dix doubles licences les plus sélectives (Assas, Sorbonne, etc.) aucun candidat des voies technologiques (des STMG) ou professionnels ne se retrouve en position d’admission. Ce phénomène se retrouve également dans les 20 licences de droit « simple » qui ont pour obligation de classer tous les candidats mais qui ont des taux d’accès faibles (plus petit que 50%) : dans 8 d’entre elles ces bacheliers ne sont pas en position d’être appelés (donc trop loin dans les classements) et dans les 12 autres ils sont appelés mais selon des taux d’accès bien moindre que celui des bacheliers généraux. Les bacheliers technologiques et professionnels par le biais de malus (ou de bonus aux autres !) se retrouvent « déclassés » souvent derrière les généraux.

Tous ces chiffrent manifestent que les filières postbac dans leurs algorithmes de sélection privilégient les bacheliers généraux, viennent ensuite les technologiques puis les professionnels. Ces derniers sont clairement les moins bien traités dans les processus de sélection.

Les quotas : une bonne nouvelle pour la voie technologique et professionnelle

La plate-forme Parcoursup étant le passage obligé pour toutes les formations postbac, elle permet de forcer « par le code » la mise en œuvre de politiques d’orientation. Cette politique est gérée en particulier au travers de l’obligation du respect par les formations de quotas : boursiers du secondaire, géographiques, BTS et BUT. Les bacheliers technologiques et professionnels sont, pour une fois, « gagnants » sur les généraux via les quotas boursiers et surtout BUT et BTS. L’objectif affiché est clairement de réaffecté le public technologique en BUT (dans lesquels ils réussissent correctement), pour libérer de l’espace pour les bacheliers professionnels en BTS (dans lesquels eux aussi réussissent plutôt correctement). Il faut éviter au maximum les flux vers les licences dans lesquelles ils affichent des taux de réussite très médiocres entre 8% et 20%. De plus, les généraux « chassés » de BUT faute de places doivent réinvestir les CPGE et licences au grand bonheur de ces deux filières ! En théorie tout va bien pour le ministère qui du point de vue comptable optimise les flux selon les taux de réussite.

Le ministère a fixé des quotas en BUT : 50% des places de BUT sont réservées aux bacheliers technologiques sauf pour les spécialités Chimie, Sciences des données, Mesures physiques, Information et communication et Génie Biologique dans lesquels des dérogations autorisent des quotas plus faibles. Les BUT, pourtant formations sélectives, ont également l’obligation de classer au moins 60% des candidats technologiques et en plus sur une liste différente des « autres candidats » et cela peu importe leur niveau et motivation ! Il n’est pas possible en BUT de les discriminer négativement par rapport aux généraux. Ils sont recrutés « à part » et ne se concurrencent pas.

Ces quotas ont augmenté significativement la présence des bacheliers technologiques en BUT : ils sont désormais plus de 45% dans les BUT du secteur des services et environ 35% dans les BUT du secteur production (faute d’un vivier suffisant en STI2D et STL et d’une certaine frilosité des candidats les places réservées ne sont pas toujours pourvues).

Mathématiquement ces quotas plus généreux qu’avant ont augmenté parfois considérablement les chances d’admission. Dans plus de 40% des BUT, les bacheliers technologiques ont des taux d’accès plus généreux que les autres bacheliers (essentiellement généraux). Dans le passé c’était radicalement l’inverse ! C’est flagrant dans certaines spécialités de BUT surtout du secteur de la production (comme l’Informatique) par le simple fait qu’il y a parfois beaucoup moins de candidats technologiques (STI2D, STL) que de généraux pour le même nombre de places. Dans ces BUT, il est donc plus facile d’être admis pour un bachelier technologique « très moyen » que pour un bachelier général « plutôt bon ». Le bonheur des uns fait ici le malheur des autres.

On atteint cependant un paradoxe, les 50% de bacheliers généraux sont triés encore plus durement qu’avant en entrée des BUT alors qu’ils réussissaient déjà mieux que les bacheliers technologiques. Les taux de réussite des uns et des autres dans certaines spécialités connaissent désormais des écarts importants (de 30 à 50 points) avec des promotions très hétérogènes. Ce qui a été gagné d’un côté pour ces derniers (meilleures chances d’admission) est perdu de l’autre (moins bons taux de réussite).

Des quotas variables existent également en BTS pour les bacheliers professionnels. Ces quotas produisent les mêmes effets qu’en BUT : augmentant la part des bacheliers professionnels en BTS au détriment surtout des bacheliers technologiques et accroissant leurs chances d’admission. Ce sont en effet des filières professionnalisantes courtes dans lesquels ces bacheliers réussissent bien mieux que dans les licences d’université (d’un facteur de 3 à 10 !).